Montivert se situe sur la commune de Saint-André-en-Vivarais, à 1070 m d'altitude, enclave nord-ardéchoise entre deux communes de la Haute-Loire (le Mas-de-Tence et le célèbre village gastronomique de Saint-Bonnet-le-Froid).
L’existence d’un château sur les terres de Montivert (à l'origine Montivers) remonte au XIIIe siècle. Le premier noble connu à Montivert est de Hugues de Bronac, Seigneur de Montivers, dont le nom apparaît en 1352 lorsqu’il prête hommage à Guillaume Bastet, Seigneur de Crussol. Le château passe ensuite à la famille d’Iserand. En 1536, Annet de Montivers, de la maison d’Iserand, marie sa fille Jeanne à Pierre de Montagnac. La famille de Montagnac habite le château jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. En 1744 Jean-Joseph de Montagnac épouse Gabrielle Vire du Liron qui, à la mort de son mari en 1753, devient propriétaire du château qu’elle transforme profondément; vers 1750, le château, d’une relative importance, est représenté sur la carte de Cassini. Sans descendance, Gabrielle teste en 1771 en faveur de son frère le Capitaine Antoine-Barthélemy Vire du Liron (portrait ci-contre), officier à la Compagnie des Indes. Les terres de Montivert passent alors à la famille Vire du Liron et quatre générations s'y succèdent. Parmi elles Charles-Henri Duliron de Montivers et son épouse Elisabeth de Lacroix-Laval, qui, décédés jeunes, laissent orpheline leur fille unique Marie Joséphine Amicie, alors mineure. Marie Joséphine Amimie Vire du Liron de Montivers (1823-1900) devient la seule héritière de Montivert. Après son mariage en 1841 avec son cousin Antoine-Louis de Lacroix-Laval (1814-1876), fils de Jean de Lacroix-Laval (Maire de Lyon et plus riche marchand de cette ville), Amicie entreprend le remaniement de son bien. L’acte de mutation du 16 juin 1830 stipule une propriété composée d’une « terre appelée "de Montivers" située sur la commune de Saint-André-des-Effangeas, laquelle consiste en une maison de maître, jardin, bâtiments pour l’exploitation de la propriété, prés, pâturages, terres cultes et incultes, grande étendue de bois, (…) pins et sapins, le tout contigu ». Le plan cadastral de 1836 représente la parcelle avec trois corps de bâtiments organisés autour d’un plan en U auxquels s’ajoutent deux écluses, une serve, un moulin et une scie à eau à proximité du château, tandis que le contrat de mariage de 1841 indique brièvement « la terre de Montivers et ses dépendances situées sur la commune de Saint-André-des-Effangeas et autres voisines ». |
En 1847, Amicie agrandit son domaine lorsqu’elle achète au Marquis de Lestrange une forêt de haute futaie de 84 hectares, une ferme avec dépendances, des « usines telles que scies et moulins mus par l’eau » sur la commune de Saint-Bonnet-le-Froid.
Enfin, Benoit-d’Entrevaux dans son ouvrage sur "Les châteaux historiques du Vivarais" décrit cette maison forte « composée d’un gros corps de bâtiment rectangulaire flanqué de deux donjons massifs », description complétée par une illustration de Jourda de Vaux (première illustration en haut de cette page).
Le domaine est alors administré par un Monsieur Mourier, régisseur, propriétaire sur la commune (Saint-André-des-Effangeas) tandis que les époux Lacroix-Laval vivent dans leur hôtel, l'hôtel Lacroix-Laval, situé 28 rue de la Charité à Lyon (actuel Musée du Tissu et des Arts Décoratifs).
Enfin, Benoit-d’Entrevaux dans son ouvrage sur "Les châteaux historiques du Vivarais" décrit cette maison forte « composée d’un gros corps de bâtiment rectangulaire flanqué de deux donjons massifs », description complétée par une illustration de Jourda de Vaux (première illustration en haut de cette page).
Le domaine est alors administré par un Monsieur Mourier, régisseur, propriétaire sur la commune (Saint-André-des-Effangeas) tandis que les époux Lacroix-Laval vivent dans leur hôtel, l'hôtel Lacroix-Laval, situé 28 rue de la Charité à Lyon (actuel Musée du Tissu et des Arts Décoratifs).
Vers 1855, Amicie de Lacroix-Laval modernise son patrimoine : le nouveau château est déplacé au nord-est, dominant mieux le domaine, et les nouvelles dépendances édifiées au sud-ouest en contrebas de l’ancien château ; les matrices cadastrales signalent la « nouvelle construction » achevée en 1857 et imposée en 1860.
Aucune archive sur l’histoire du chantier n’a été retrouvée : pas de correspondance entre les commanditaires et l’architecte, pas de plan, pas de devis. C’est dans le milieu lyonnais que l’auteur est cherché et l'édifice attribué à l’architecte lyonnais Pierre Martin (1824-1871), ami de la famille. Pierre Martin est en effet en relation avec la famille de Lacroix-Laval lorsqu’il publie en 1854 ses "Recherches sur l’architecture, la sculpture, la peinture, la menuiserie, la ferronnerie dans les maisons du Moyen Age et de la Renaissance à Lyon" ; en fin d’ouvrage le nom de Jean de Lacroix-Laval apparaît parmi les souscripteurs. Dans son supplément de 1862, intitulé "Recherches sur l’architecture du Moyen Age et de la Renaissance à Lyon et dans les départements limitrophes", Pierre Martin reproduit une cheminée du château de la Duchère, possession de Gabriel de Riverieulx de Varax et son épouse Félicie de Lacroix-Laval, soeur d’un commanditaire de Montivert. Par ailleurs est retrouvé des avant-projets, non réalisés, signés de Pierre Martin pour la réédification de l’église paroissiale de Saint-André-des-Effangeas; ces projets dessinés entre 1859 et 1860 correspondent à l’achèvement du chantier du château de Montivert. Parmi ces esquisses l’une introduit en façade des croix tréflées, motifs qui meublent les armoiries de la famille de Lacroix-Laval. A cette époque Antoine-Louis de Lacroix-Laval est membre du conseil municipal et Joseph Mourier, régisseur de Montivert, est également maire de la commune. Les deux hommes, très impliqués dans cette nouvelle entreprise, sollicitent l’architecte et financent pour partie la reconstruction du lieu de culte; si les croix tréflées ne se retrouvent plus en façade des nouveaux projets de l’architecte Besset, ce motif est bien présent dans la façade du pavillon d’entrée du château et sur les échauguettes du château. Les églises de Saint-André-en-Vivarais, et de Saint-Bonnet-le-Froid non-loin, comportent des vitraux aux armes des Lacroix-Laval, et représentent même le château de Montivert sur celui de l'église de Saint-André-en-Vivarais. |
Dans sa notice nécrologique sur Pierre Martin, H. Jacquet souligne un artiste de talent, issu d’une famille de tisseurs d’étoffes, qui entre à l’école de la Martinière et se fait vite remarquer par ses professeurs, dont Dupasquier, pour ses qualités d’artiste.
Il participe ainsi avec son maître à la restauration de la cathédrale d’Autun et de l’église de Brou. Le vif intérêt qu’il porte à l’art de la Renaissance l’oriente vers des recherches sur l’art du Moyen Age et de la Renaissance. Ses ouvrages déjà cités, publiés sous forme de recueils de planches, illustrent les édifices majeurs de ces époques à Lyon. La justesse de ses relevés est accueillie de manière élogieuse dans un rapport de la société littéraire de Lyon par M. Martin-Daussigny: « (…) ces différents objets, dont le choix heureux prouve le bon goût de M. P. Martin, sont dessinés avec une pureté parfaite et une exactitude irréprochable » et l’architecte Savoye de la Société Académique d’Architecture de Lyon souligne que « la perfection que l’on remarque dans le dessin [de Pierre Martin] s’allie admirablement à la bonne exécution et à la fermeté de la gravure ». Ce dessinateur aux qualités reconnues participe avec des architectes lyonnais réputés, tels que Giniez, Journoud, Lablatinière, aux décors des façades de la rue Impériale de Lyon à partir de 1853. Les dictionnaires biographiques définissent Pierre Martin comme architecte et graveur et c’est dans ses publications de 1854 et 1862 que Pierre Martin dévoile ses conceptions architecturales : « il fallait conserver des types artistiques, des modèles, peut-être pouvant servir à l’architecture de notre temps » et d’ajouter : « Or l’architecture, plus que les autres arts, est soumise à cette loi du raisonnement, qui doit la régénérer et lui ouvrir la voie économique qu’elle doit suivre dans l’avenir ; déjà, il ne suffit plus de bâtir des maisons solides et plus ou moins spacieuses ; on demande, de nos jours, l’élégance et le confortable dans les habitations des riches ». Ces affirmations s’appliquent parfaitement à Montivert. |
Si ce château conserve une architecture néo-médiévale enracinée dans son époque selon le souhait des commanditaires, l’architecte de Montivert produit ici un pastiche médiéval tardif, éclectique. Au décor flamboyant des façades flanquées de tours, d’échauguettes, de bandeau d’étage, de pignons et de faux-machicoulis s’ajoute un décor intérieur aux motifs exotiques discrets.
Là se retrouve le raffinement d’un décor d’architecture exécuté avec finesse dans les lambris de hauteur à plis de serviettes, la sculpture des linteaux de cheminées, les vitraux armoriés de la chapelle tandis que dans les caissons des plafonds des salles d’apparat surgit la technique de la peinture sur papier collé, très coloré : au travers d’ornements végétaux se mêlent au centre du plafond du salon des figures exotiques comme celle d’Amicie couverte d’une coiffe orientalisante ou celle de son époux muni d’un casque à l’antique. Cet ensemble décoratif minutieux évoque encore le travail graphique de Pierre Martin, amateur de belle finition sans doute liée à une tradition familiale : celle de tisseur sur étoffes. Ici, l’architecture « régénérée » s’ouvre à la modernité grâce à l’installation d’un chauffage à air pulsé dans la galerie d’apparat et la chapelle privée, la mise en place d’un monte-plat entre la cuisine et la salle-à-manger enrichie d’une remarquable crédence intégrée, l’existence d’une lampisterie et la présence d’un bûcher dans la cuisine. |
Le confort – le « confortable » selon les mots de Pierre Martin – réside dans l’aménagement d’une double circulation réalisée par des couloirs dérobés construits de chaque côté des paliers de l’escalier, système permettant à chaque pièce d’être indépendante.
La pose d’une double cloison avec vitrage dans le mur nord de l’escalier d’honneur renforce ce confort en séparant ce grand escalier, de 16 mètres de haut et de 81 marches, de la façade nord. D’autre part la rampe en ferronnerie soignée de ce grand escalier imite celle de l’escalier implanté au n° 32 de la rue Confort à Lyon reproduite par Pierre Martin dans ses "Recherches sur l’art du Moyen Age et de la Renaissance". A ce sujet il écrit en 1854 : « les grillages à jour qui se développent autour des rampes et des paliers produisent un ensemble d’un bel effet ; ils donnent à l’escalier un caractère d’élégance et de richesse », ce qui se démontre ici. Et comment ne pas évoquer aussi la cheminée du grand salon qui s’inspire de celle de la rue Tramassac à Lyon, dessinée dans ce même ouvrage. |
La construction du château s’échelonne sur plusieurs années. On voit dans le pavement du vestibule d’entrée les armoiries commune du couple avec celles de la famille de Lacroix-Laval (à gauche) et celles de la famille Vire du Liron de Montivers (à droite), entourée par les lions d'ornement de la Ville de Lyon, chère aux Lacroix-Laval, le tout sommée d’une couronne comtale. Or, ce titre de comte romain, Antoine-Louis de Lacroix-Laval ne le reçoit du Pape Pie IX qu’en 1868, pour ses services rendus au Saint-Siège.
Les dépendances, dispersées dans un domaine de 244 hectares lorsque Amicie le lègue à son fils, relèvent d’une architecture vernaculaire sobre et fonctionnelle à l’exemple du pavillon d’entrée orné d’une croix tréflée, de la bergerie, du bûcher, du fournil et du jardin potager clos de murs. La maison du régisseur – dont les baies couvertes d’un linteau à soffite surélevé rappellent celles du château à proximité – reprend l’organisation d’une ferme locale dotée, dans sa partie habitable, d’un « court » constitué d’une succession de placards muraux intégrant horloge, souillarde et vaisselier ; éléments indispensables aux besoins de la vie quotidienne. Si Pierre Martin est bien l’architecte du château, il est probablement aussi l’auteur des dépendances, construites au même moment, pour lesquelles il adopte des principes développés dans son ouvrage intitulé "De l’état actuel des constructions à la Croix-Rousse et des modifications à y apporter". Ouvrage qui insiste sur la qualité des matériaux et leur mise en œuvre, l’importance de l’éclairage et de l’hygiène ; c’est aussi dans cette brochure qu’il interpelle les entrepreneurs, «faiseurs de maisons», réalisées sans surveillance. Pierre Martin, semble être un architecte désintéressé, idéaliste ; un penseur qui n’a produit que très peu d’œuvres dont un immeuble construit à ses frais, 11 rue de l’Enfance à Lyon, pour des ouvriers en soie afin de leur procurer des loyers « au prix ordinaire » et de « donner enfin à l’ensemble de la construction un aspect architectural digne de notre grande cité ». Le méticuleux architecte du château de Montivert laisse une oeuvre élégante, raffinée et aboutie. Son état de conservation pratiquement intact en fait un ensemble véritablement remarquable, inscrit en totalité ainsi que son domaine au titre des Monuments historiques le 12 octobre 2007. Sources:
Service de l’Inventaire Général du Patrimoine Culturel Région Rhône-Alpes Simone Hartmann-Nussbaum, Ingénieur d’études |
Les rares changements de famille :
- 1978: La dernière Comtesse de Lacroix-Laval, Axelle du Port de Pontcharra née Marie Axelle Boussin de Lacroix-Laval, descendante directe des Montivers hérite la propriété de sa grand-mère et se prépare à s'en défaire. Le morcellement des terres de Montivert s'accélère et le château est entièrement vidé de son contenu en 1981.
- 1983: Le château, dépourvu de terres, n'a plus que son parc et les dépendances comprises dans ce dernier. Il est acheté par un suisse, Monsieur Louis Dittli qui en fait sa résidence secondaire. Peu présent, par chance, il ne dénature pas les lieux.
- 2013: Monsieur et Madame Didier Cavroy achètent Montivert et lancent d'importantes opérations de restauration. Ils remeublent également l'intégralité du château au plus près de ce qu'il fût jadis. Avec le concours d'Axelle du Port de Pontcharra, des objets et du mobiliers d'origine reviennent même à Montivert, après plus de 40 ans d'absence! Les nouveaux propriétaires acceptent également l'ouverture des lieux au public en 2015, avec l'aide de l'association "Les Amis du château de Montivert" créée en 2014 par des amoureux du site, a qui ils confient gracieusement l'exploitation touristique des lieux, ainsi que l'exploitation des marques déposées rattachées au lieu. Bénévolement les propriétaires coiffent même fréquemment la caquette de guide, pour le plus grand plaisir des visiteurs et passionnées .